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LA RÉVOLUTION


lettre « qui leur enjoint de courir sus à tous les gentilshommes de la campagne, et de massacrer sans merci tous ceux qui refuseront d’abdiquer leurs privilèges…, avec promesse que, non seulement il ne leur sera rien fait pour ces crimes, mais encore qu’ils en seront récompensés ». M. des Prez de Montpezat, correspondant des députés de la noblesse, est saisi ; on l’entraîne avec son fils chez le procureur fiscal, pour le faire signer ; défense aux habitants de lui porter secours, « sous peine de la vie et du feu ». — « Signez, lui dit on, ou nous allons vous arracher le cœur et mettre le feu à cette maison. » À ce moment, le notaire voisin, qui sans doute est complice, survient avec un papier timbré et lui dit : « Monsieur, j’arrive de Niort : le Tiers-État en a fait autant à tous les gentilshommes de la ville ; un seul, pour l’avoir refusé, a été mis en pièces à nos yeux. — Il fallut signer notre renoncement à nos privilèges et notre consentement à un seul et même impôt, comme si la noblesse ne l’avait pas déjà fait. » La bande annonce qu’elle va travailler de même dans les châteaux du voisinage, et la terreur l’y précède ou l’y suit. « Personne n’ose écrire, mande M. des Prez, je l’entreprends au péril de ma vie. » Partout les nobles et les prélats sont devenus suspects ; les comités de village décachètent leurs lettres ; ils subissent des visites domiciliaires[1] ; on leur impose la nouvelle cocarde ; être sei-

  1. Archives nationales, D, XXIX, I. Lettre de Briand-Delessart, 1er  août (visites domiciliaires chez les carmélites d’Angoulême, où l’on prétend que Mme de Polignac vient d’arriver). — Beugnot,