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L’ANARCHIE SPONTANÉE


commence le cinquième acte, avec Bordier et Jourdain comme premiers sujets, derrière eux le bas peuple et plusieurs compagnies des nouveaux volontaires. Une clameur monte : « Mort aux accapareurs, mort à Maussion, il nous faut sa tête ! » On pille son hôtel, plusieurs s’enivrent et s’endorment dans la cave. Les bureaux de recette, les barrières de la ville, le bureau des aides, tous les bâtiments où l’on perçoit les droits du roi sont mis en pièces. De grands feux s’allument dans les rues et sur la place du Vieux-Marché ; on y jette pêle-mêle des meubles, des habits, des papiers et des batteries de cuisine ; des voitures sont traînées et précipitées dans la Seine. C’est seulement lorsque l’hôtel de ville est envahi que la garde nationale, prenant peur, se décide à saisir Bordier et quelques autres. Mais le lendemain, au cri de Carabo, et sous la conduite de Jourdain, la Conciergerie est forcée, Bordier est délivré, et l’Intendance avec les bureaux est saccagée une seconde fois. Lorsque enfin les deux coquins sont pris et menés à la potence, la populace est si bien pour eux, qu’on est obligé, pour la maintenir, de braquer contre elle des canons chargés. — À Besançon[1], le 13 août, les meneurs sont le domestique d’un montreur de bêtes féroces, deux repris de justice dont l’un a déjà été marqué à la suite d’une émeute, et nombre « d’habitants mal famés » qui, vers le soir, se répandent dans la ville avec les soldats. Les canonniers insultent les officiers qu’ils rencontrent, les prennent au collet, veulent

  1. Archives nationales, D, XXIX, 1. Lettre des officiers du bailliage de Dôle, 24 août. — Sauzay, I, 128.