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L’ANARCHIE SPONTANÉE


vieuse contre ceux qui possèdent, commandent ou jouissent. À Maubeuge, le 27 juillet, au moment même où les représentants de la commune venaient de s’assembler[1], le petit peuple, intervient directement et à sa façon ordinaire. Une bande d’ouvriers cloutiers et armuriers investit l’hôtel de ville et oblige le maire à baisser le prix du pain. Presque aussitôt une autre bande, avec des cris de mort, se met à sa poursuite et crève les fenêtres, pendant que la garnison, appelée aux armes, contemple tranquillement le dégât. Mort au maire, à toutes les autorités, à tous les employés ! Les mutins forcent les prisons, mettent les détenus en liberté, se jettent sur les maisons de l’impôt. Les cabanes de l’octroi sont démolies de fond en comble ; le bureau du port est rasé, les balances et poids lancés dans la rivière. Tous les dépôts de la douane et de la régie sont enlevés, et les préposés contraints d’en donner quittance. Les maisons du greffier, d’un échevin, celle du contrôleur des fermes à deux cents pas de la ville, sont saccagées, portes et fenêtres rompues, meubles et linge en lambeaux, argenterie et bijoux jetés dans les puits. Même ravage chez le maire dans sa maison de ville, et, à une lieue de là, dans sa maison de campagne. Il n’est aucune fenêtre, aucune porte, aucun effet ou comestible » qui soit préservé ; aussi bien, ils ont fait leur œuvre en conscience, sans discontinuer une minute, depuis 10 heures du soir jusqu’au lendemain 10 heures du matin. » Et, à la sollicitation de tous les honnêtes

  1. Archives nationales, F7, 3248. (Lettre du maire, M. Poulliaude de Thierry, 11 septembre.)