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L’ANCIEN RÉGIME


« jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue ». — « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ». Par ces jeux, dès la première adolescence, ils sont déjà démocrates, puisque, les prix étant décernés, non par l’arbitraire des maîtres, mais par les acclamations des spectateurs, ils s’habituent à reconnaître pour souveraine la souveraine légitime, qui est la décision du peuple assemblé. Le premier intérêt de l’État sera toujours de former les volontés par lesquelles il dure, de préparer les votes qui le maintiendront, de déraciner dans les âmes les passions qui lui seraient contraires, d’implanter dans les âmes des passions qui lui seront favorables, d’établir à demeure, dans ses citoyens futurs, les sentiments et les préjugés dont il aura besoin[1]. S’il ne tient pas les enfants, il n’aura pas les adultes. Dans

  1. Morelly, Code de la nature. « À cinq ans, tous les enfants seront enlevés à la famille et élevés en commun aux frais de l’État d’une façon uniforme. » On a trouvé un projet analogue et tout spartiate dans les papiers de Saint-Just.