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L’ANCIEN RÉGIME


puissance, rien de plus. Mais « un pistolet aux mains d’un brigand est aussi une puissance » ; direz-vous qu’en conscience je suis obligé de lui donner ma bourse ? — Je n’obéis que par force, et je lui reprendrai ma bourse sitôt que je pourrai lui prendre son pistolet.

VII

Arrêtons-nous ici ; ce n’est pas la peine de suivre les enfants perdus du parti, Naigeon et Sylvain Maréchal, Mably et Morelly, les fanatiques qui érigent l’athéisme en dogme obligatoire et en devoir supérieur, les socialistes qui, pour supprimer l’égoïsme, proposent la communauté des biens et fondent une république où tout homme qui voudra rétablir « la détestable propriété » sera déclaré ennemi de l’humanité, traité « en fou furieux » et pour la vie renfermé dans un cachot. Il suffit d’avoir suivi les corps d’armée et les grands sièges. — Avec des engins différents et des tactiques contraires, les diverses attaques ont abouti au même effet. Toutes les institutions ont été sapées par la base. La philosophie régnante a retiré toute autorité à la coutume, à la religion et à l’État. Il est admis, non seulement qu’en elle-même la tradition est fausse, mais encore que par ses œuvres elle est malfaisante, que sur l’erreur elle bâtit l’injustice et que par l’aveuglement elle conduit l’homme à l’oppression. Désormais la voilà proscrite. « Écrasons l’infâme » et ses fauteurs. Elle est le mal dans l’espèce humaine, et, quand le mal sera supprimé, il ne restera plus que du bien. « Il arri-