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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


« tion au dehors, et la rendre plus absolue au dedans. » Quand ils allèguent un autre but, c’est prétexte. « Les mots bien public, bonheur des sujets, gloire de la nation, si lourdement employés dans les édits publics, n’annoncent jamais que des ordres funestes, et le peuple gémit d’avance, quand ses maîtres lui parlent de leurs soins paternels. » — Mais, arrivé à ce terme fatal, « le contrat du gouvernement est dissous ; le despote n’est maître qu’aussi longtemps qu’il est le plus fort, et, sitôt qu’on peut l’expulser, il n’a point à réclamer contre la violence ». Car il n’y a de droit que par consentement, et il n’y a ni consentement ni droit d’esclave à maître. Soit d’un homme à un homme, soit d’un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira et que tu observeras tant qu’il me plaira. » — Que des fous signent ce traité ; puisqu’ils sont fous, ils sont hors d’état de contracter, et leur signature n’est pas valable. Que des vaincus à terre et l’épée sur la gorge acceptent ces conditions ; puisqu’ils sont contraints, leur promesse est nulle. Que des vaincus ou des fous aient, il y a mille ans, engagé le consentement de toutes les générations suivantes : si l’on contracte pour un mineur, on ne contracte pas pour un adulte, et, quand l’enfant est parvenu à l’âge de raison, il n’appartient plus qu’à lui-même. À la fin nous voici adultes, et nous n’avons qu’à faire acte de raison pour rabattre à leur valeur les prétentions de cette autorité qui se dit légitime. Elle à la