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L’ESPRIT ET LA DOCTRINE


sont qu’une pâture pour les disputeurs et les oisifs[1]. « Qui voudrait passer sa vie en de stériles contemplations, si chacun, ne consultant que les devoirs de l’homme et les besoins de la nature, n’avait de temps que pour la patrie, pour les malheureux et pour ses amis. » — À quoi bon les beaux-arts ? Ils ne sont qu’une flatterie publique des passions régnantes. « Plus la comédie est agréable et parfaite, plus son effet est funeste », et le théâtre, même chez Molière, est une école de mauvaises mœurs, « puisqu’il excite les âmes perfides à punir, sous le nom de sottise, la candeur des honnêtes gens ». La tragédie, qu’on dit morale, dépense en effusions fausses le peu de vertu qui nous reste encore. « Quand un homme est allé admirer de belles actions dans des fables, qu’à-t-on encore à exiger de lui ? Ne s’est-il pas acquitté de tout ce qu’il doit à la vertu par l’hommage qu’il vient de lui rendre ? Que voudrait-on qu’il fit de plus ? Qu’il la pratiquât lui-même ? Il n’a pas de rôle à jouer, il n’est pas comédien. » — Sciences, beaux-arts, arts de luxe, philosophie, littérature, tout cela n’est bon qu’à efféminer et dissiper l’âme ; tout cela n’est fait que pour le petit troupeau d’insectes brillants ou bruyants qui bourdonnent au sommet de la société et sucent toute la substance publique. — En fait de sciences, une seule est nécessaire, celle de nos devoirs, et, sans tant de subtilité ou d’études, le sentiment intime suffit pour nous l’enseigner. — En fait d’arts, il n’y a de tolé-

  1. Discours sur l’influence des sciences et des arts. — Lettre à d’Alembert sur les spectacles.