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L’ANCIEN RÉGIME


mécanique, tout physiologique, l’inclination naturelle qui porte l’animal à fuir la douleur et à chercher le plaisir. « La douleur et le plaisir, dit Helvétius, sont les seuls ressorts de l’univers moral, et le sentiment de l’amour de soi est la seule base sur laquelle on puisse jeter les fondements d’une morale utile… Quel autre motif que l’intérêt personnel pourrait déterminer un homme à des actions généreuses ? Il lui est aussi impossible d’aimer le bien pour le bien que d’aimer le mal pour le mal[1]. » — « Les principes de la loi naturelle[2], disent les disciples, se réduisent à un principe fondamental et unique, la conservation de soi-même. » « Se conserver, obtenir le bonheur », voilà l’instinct, le droit et le devoir. « Ô vous[3], dit la nature, qui, par l’impulsion que je vous donne, tendez vers le bonheur à chaque instant de votre durée, ne résistez pas à ma loi souveraine, travaillez à votre félicité, jouissez sans crainte, soyez heureux. » Mais, pour être heureux, contribuez au bonheur des autres ; si vous voulez qu’ils vous soient utiles, soyez-leur utile ; votre intérêt bien entendu vous commande de les servir. « Depuis la naissance jusqu’à la mort, tout homme a besoin des hommes. » — « Vivez donc pour eux, afin qu’ils vivent pour vous. » — « Soyez bons, parce que la bonté enchaîne tous les cœurs ; soyez doux, parce que la douceur attire

    « sens et composer une science aussi précise, aussi exacte que la géométrie et les mathématiques. »

  1. Helvétius, de l’Esprit, passim.
  2. Volney, ib., ch. iii. — Saint-Lambert, ib., premier dialogue.
  3. Baron d’Holbach. Système de la nature, II, 408, 493.