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LE PEUPLE


« pour se faire députer. » — « En Touraine, écrit l’intendant[1], l’avis de la plupart des votants a été commandé ou mendié. Les affidés mettaient, au moment du scrutin, des billets tout écrits dans la main des votants, et leur avaient fait trouver, à leur arrivée aux auberges, tous les écrits et avis propres à exalter leurs têtes et à déterminer leur choix pour des gens du palais. » — « Dans la sénéchaussée de Lectoure, une quantité de paroisses et de communautés n’ont point été assignées ni averties pour envoyer leurs cahiers et leurs députés à l’assemblée de la sénéchaussée. Pour celles qui ont été averties, les avocats, procureurs et notaires des petites villes voisines ont fait leurs doléances de leur chef, sans assembler la communauté… Sur un seul brouillon, ils faisaient pour toutes des copies pareilles qu’ils vendaient bien cher, aux conseils de chaque paroisse de campagne. » — Symptôme alarmant et qui marque d’avance la voie que va suivre la Révolution : l’homme du peuple est endoctriné par l’avocat, l’homme à pique se laisse mener par l’homme à phrases.

Dès la première année, on peut voir l’effet de leur association. En Franche-Comté[2], sur la consultation d’un nommé Rouget, les paysans du marquis de Chaila se déterminent à ne plus lui rien payer et à se par-

  1. Archives nationales, tome CL, 174. (Lettre de l’intendant de Tours du 25 mars 1789.)
  2. Archives nationales, H, 784. (Lettres de M. de Langeron, commandant militaire à Besançon, 16 et 18 octobre 1789. — La consultation y est annexée.)