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L’ANCIEN RÉGIME


« l’argent. On nous faisait bien espérer que cela finirait, mais tous les ans cela devenait plus fort. Nous ne nous en prenions pas à vous, tant nous vous aimions, mais à ceux que vous employez et qui savent mieux faire leurs affaires que les vôtres. Nous croyions qu’ils vous trompaient, et nous nous disions dans notre chagrin : Si notre bon roi le savait !… Nous sommes accablés d’impôts de toute sorte ; nous vous avons donné jusqu’à présent une partie de notre pain, et il va bientôt nous manquer si cela continue… Si vous voyiez les pauvres chaumières que nous habitons, la pauvre nourriture que nous prenons, vous en seriez touché ; cela vous dirait mieux que nos paroles que nous n’en pouvons plus et qu’il faut nous diminuer… Ce qui nous fait bien de la peine, c’est que ceux qui ont le plus de bien payent le moins. Nous payons les tailles et tout plein d’ustensiles, et les ecclésiastiques et nobles, qui ont les plus beaux biens, ne payent rien de tout cela. Pourquoi donc est-ce que ce sont les riches qui payent le moins et les pauvres qui payent le plus ? Est-ce que chacun ne doit pas payer selon son pouvoir ? Sire, nous vous demandons que cela soit ainsi, parce que cela est juste… Si nous osions, nous entreprendrions de planter quelques vignes sur les coteaux ; mais nous sommes si tourmentés par les commis aux aides, que nous penserions plutôt à arracher celles qui sont plantées ; tout le vin que nous ferions serait pour eux, et il ne nous resterait que la peine. C’est un grand fléau que toute