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LE PEUPLE


ticuliers aisés achètent cette commission de quêteur moyennant un louis ou dix écus, et mettent trois livres dans un bassin qu’ils font promener dans une paroisse quelconque[1] : dix habitants dans une petite ville de la montagne, cinq habitants dans le seul village de Treignac ont de cette façon obtenu leur décharge. Par suite, « la collecte retombe sur les pauvres, toujours impuissants, souvent insolvables », et tous ces privilèges, qui font la ruine du contribuable, font le déficit du Trésor.

VII

Encore un mot pour achever le tableau. C’est dans les villes qu’on se réfugie, et, en effet, comparées aux campagnes, les villes sont un refuge. Mais la misère y suit les pauvres ; car, d’une part, elles sont obérées, et, d’autre part, la coterie qui les administre assoit l’impôt sur les indigents. Opprimées par le fisc, elles oppriment le peuple, et rejettent sur lui la charge que leur impose le roi. Sept fois en quatre-vingts ans[2], il leur a repris et revendu le droit de nommer leurs officiers municipaux, et, pour payer « cette finance énorme », elles ont doublé leurs octrois. À présent, quoique libérées, elles payent encore ; la charge annuelle est devenue perpétuelle ; jamais le fisc

  1. Archives nationales, H, 1422 Lettres de M. d’Aîne, intendant, et du receveur de l’Élection de Tulle, 23 février 1783).
  2. Tocqueville, 64, 363.