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LE PEUPLE


payé, c’est le tour du négociant. Celui-ci, pour envoyer les quatre pièces au consommateur, verse encore à la ferme 75 francs. — Le vin part, et la ferme lui prescrit certaines routes ; s’il s’en écarte, il est confisqué, et, à chaque pas du chemin, il faut qu’il paye. « Un bateau de vin du Languedoc[1], Dauphiné ou Roussillon, qui remonte le Rhône et descend la Loire pour aller à Paris par le canal de Briare, paye en route, sans compter les droits du Rhône, de trente-cinq à quarante sortes de droits, non compris les entrées de Paris. » Il les paye « en quinze ou seize endroits, et ces payements multipliés obligent les voituriers à employer douze ou quinze jours de plus par voyage qu’ils n’en mettraient si tous ces droits étaient réunis en un seul bureau ». — Les chemins par eau sont particulièrement chargés. « De Pontarlier à Lyon, il y a vingt-cinq ou trente péages ; de Lyon à Aigues-Mortes, il y en a davantage, de sorte que ce qui coûte 10 sous en Bourgogne, revient à Lyon à 15 et 18 sous, et à Aigues-Mortes à plus de 25 sous. » — Enfin, le vin arrive aux barrières de la ville où il sera bu. Là il paye l’octroi, qui est de 47 francs par muid à Paris. — Il entre et va dans la cave du cabaretier ou de l’aubergiste ; là il paye encore de 50 à 40 francs pour droit de détail ; à Rethel, c’est de 50 à 60 francs pour un poinçon, jauge de Reims. — Le total est exorbitant. À Rennes[2], pour

  1. Letrosne, Ibid., 523.
  2. Archives nationales, H, 426. (Remontrances du Parlement de Bretagne, février 1783.)