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L’ANCIEN RÉGIME


ni qui saisissent plus âprement tous les prétextes de délit. « Que charitablement un citoyen donne une bouteille de boisson à un pauvre languissant, et le voilà exposé à un procès et à des amendes excessives… Un pauvre malade, qui intéressera son curé à lui aumôner une bouteille de vin, essuiera un procès capable de ruiner non seulement le malheureux qui l’a obtenue, mais encore le bienfaiteur qui la lui aura donnée. Ceci n’est pas une histoire chimérique. » En vertu du droit de gros manquant, les commis peuvent, à toute heure, faire l’inventaire du vin, même chez le vigneron propriétaire, lui marquer ce qu’il peut en boire, le taxer pour le reste et pour le trop-bu : car la ferme est l’associée du vigneron et a sa part dans sa récolte. — Dans un vignoble à Épernay[1], sur quatre pièces de vin, produit moyen d’un arpent et valant 600 francs, elle perçoit d’abord 50 francs, puis, quand les quatre pièces sont vendues, 75 autres francs. Naturellement, « les habitants emploient les ruses les plus fines et les mieux combinées pour se soustraire » à des droits si forts. Mais les commis sont alertes, soupçonneux, avertis, et fondent à l’improviste sur toute maison suspecte, leurs instructions portent qu’ils doivent multiplier leurs visites et avoir des registres assez exacts « pour voir d’un coup d’œil l’état de la cave de chaque habitant[2] ». — À présent que le vigneron a

  1. Arthur Young, II, 175-178.
  2. Archives nationales, G, 300, G, 319). (Mémoires et instructions de divers directeurs locaux des aides à leurs successeurs.)