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L’ANCIEN RÉGIME


en ce temps-là, toute calamité pèse sur l’avenir autant que sur le présent ; pendant deux ans, en 1784 et 1785, dans le Toulousain, la sécheresse ayant fait périr les animaux de trait, nombre de cultivateurs sont obligés de laisser leurs champs en friche. — En second lieu, quand on cultive, c’est à la façon du moyen âge. Arthur Young, en 1789, juge qu’en France « l’agriculture en est encore au dixième siècle[1] ». Sauf en Flandre et dans la plaine d’Alsace, les champs restent en jachère un an sur trois, et souvent un an sur deux. Mauvais outils ; point de charrues en fer ; en maint endroit, on s’en tient à la charrue de Virgile. L’essieu des charrettes et les cercles des roues sont en bois, et plus d’une fois la herse est une échelle de charrette. Peu de bestiaux, peu de fumures ; le capital appliqué à la culture est trois fois moindre qu’aujourd’hui. Faibles produits : « Nos terres communes, dit un bon observateur, donnent environ, à prendre l’une dans l’autre, six fois la semence[2]. » En 1778, dans la riche contrée qui environne Toulouse, le blé ne rend que cinq pour un ; aujourd’hui, c’est huit, et davantage. Arthur Young calcule que, de son temps, l’acre anglaise produit vingt-huit boisseaux de grain, l’acre française dix-huit, que le produit total de la même terre pendant le même laps de temps est de trente-six livres sterling en Angleterre, et seulement de vingt-cinq en France. — Comme les chemins vicinaux sont affreux et que les transports sont

  1. Arthur Young, II. 112. 115. — Théron de Montaugé. 52, 61.
  2. Le marquis de Mirabeau. Traité de la population. 29.