Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 2, 1910.djvu/233

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
215
LE PEUPLE


« par la ruine des propriétaires et la désertion des colons. » Dans l’élection de Confolens, telle terre affermée 2956 livres en 1665, n’est plus louée que 900 livres en 1747. Sur les confins de la Marche et du Berry, tel domaine qui en 1660 faisait vivre honorablement deux familles seigneuriales, n’est plus qu’une mince métairie improductive ; « on voit encore la trace des sillons qu’imprimait autrefois le soc de la charrue sur toutes les bruyères des alentours ». La Sologne, jadis florissante[1], est devenue un marécage et une forêt ; cent ans plus tôt, elle produisait trois fois autant de grains ; les deux tiers de ses moulins ont disparu ; il n’y a plus vestige de ses vignobles ; « les bruyères ont pris la place des raisins ». Ainsi délaissée par la pioche et la charrue, une vaste portion du sol a cessé de nourrir les hommes, et le reste, mal cultivé, ne fournit qu’à peine à leurs premiers besoins[2].

En premier lieu, si la récolte manque, ce reste demeure inculte ; car le colon est trop pauvre pour acheter les semences, et maintes fois l’intendant est obligé d’en distribuer ; sans quoi, au désastre de l’année courante s’ajouterait la stérilité de l’année suivantes[3]. Aussi bien,

  1. Procès-verbaux de l’assemblée provinciale de l’Orléanais (1787). mémoire de M. d’Autroche.
  2. « On s’étonne qu’un peuple si nombreux soit nourri, lorsque la moitié ou le quart de la terre arable est occupée par des friches stériles. » (Arthur Young, II, 137.)
  3. Archives nationales, H, 1149. Lettre de la comtesse de Saint-Georges (1772) sur les conséquences de la gelée : « Les terres vont achever cette année de rester incultes, comme il y en a déjà beaucoup, dans notre paroisse surtout. » — Théron de Montaugé, ib., 45, 80.