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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


à l’unanimité, il exige que les députés votent, « non par ordre, mais par tête et conjointement ». — « Dans le cas où les députés du clergé et de la noblesse refuseraient d’opiner en commun et par tête, les députés du Tiers, qui représentent 24 millions d’hommes, pouvant et devant toujours se dire l’Assemblée nationale malgré la scission des représentants de 400 000 individus, offriront au roi, de concert avec ceux du clergé et de la noblesse qui voudront se joindre à eux, leur secours à l’effet de subvenir aux besoins de l’État, et les impôts ainsi consentis seront répartis entre tous les sujets du roi indistinctement[1]. » — « Le Tiers, disent d’autres cahiers, étant les 99 pour 100 de la nation, n’est pas un ordre. Désormais, avec ou sans les privilégiés, il sera, sous la même dénomination, appelé le peuple ou la nation. » — N’objectez pas qu’un peuple ainsi mutilé devient une foule, que des chefs ne s’improvisent pas, qu’on se passe difficilement de ses conducteurs naturels, qu’à tout prendre ce clergé et cette noblesse sont encore une élite, que les deux cinquièmes du sol sont dans leurs mains, que la moitié des hommes intelligents et instruits sont dans leurs rangs, que leur bonne volonté est grande, et que ces vieux corps historiques ont toujours fourni aux constitutions libres leurs meilleurs soutiens. Selon le principe de Rousseau, il ne faut pas évaluer les hommes, mais les compter ; en politique, le nombre seul est respec-

  1. Ib. Cahiers du Tiers-état de Dijon, de Dax, de Bayonne et de Saint-Séver, de Rennes, etc.


  anc. rég. ii.
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