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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


roturiers, et où l’abbé Bossut, mathématicien, refuse les ignorants, on découvre que la capacité manque aux élèves nobles, et la noblesse aux élèves capables[1] ; gentilhomme et instruit, ces deux qualités semblent s’exclure ; sur cent élèves, quatre ou cinq réunissent les deux conditions. Or, à présent que la société est mêlée, de pareilles épreuves sont fréquentes et faciles. Avocat, médecin, littérateur, l’homme du Tiers avec lequel un duc s’entretient familièrement, qui voyage en diligence côte à côte avec un comte colonel de hussards[2], peut apprécier son interlocuteur ou son voisin, compter ses idées, vérifier son mérite, l’estimer à sa valeur ; et je suis sûr qu’il ne le surfera pas. — Depuis que la noblesse, ayant perdu la capacité spéciale, et que le Tiers ayant acquis la capacité générale, se trouvent de niveau par l’éducation et par les aptitudes, l’inégalité qui les sépare est devenue blessante en devenant inutile. Instituée par la coutume, elle n’est plus consacrée par la conscience, et le Tiers s’irrite à bon droit contre des privilèges que rien ne justifie, ni la capacité du noble, ni l’incapacité du bourgeois.

IV

Défiance et colère à l’endroit du gouvernement qui compromet toutes les fortunes, rancune et hostilité contre

  1. Chamfort, 119.
  2. Comte de Vaublanc, I, 117. — Beugnot, Mémoires (premier et deuxième morceau, la Société chez M. de Brienne et chez le duc de Penthièvre).