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L’ANCIEN RÉGIME


les privilégiés que des Opposants et des réformateurs. « En 1787, presque tout ce qu’il y avait de marquant dans la pairie se déclara dans le Parlement pour la résistance… J’ai vu mettre en avant dans les dîners qui nous réunissaient alors presque toutes les idées qui devaient bientôt se produire avec tant d’éclat[1]. » Déjà en 1774, M. de Vaublanc, allant à Metz, trouvait dans la diligence un ecclésiastique et un comte colonel de hussards qui ne cessaient de parler économie politique[2]. « C’était alors la mode ; tout le monde était économiste, ou ne s’entretenait que de philosophie, d’économie politique, surtout d’humanité, et des moyens de soulager le bon peuple ; ces deux derniers mots étaient dans toutes les bouches. » Ajoutez-y celui d’égalité ; Thomas, dans un éloge du maréchal de Saxe, disait : « Je ne puis le dissimuler, il était du sang des rois » ; et l’on admirait cette phrase. — Seuls quelques chefs de vieilles familles parlementaires ou seigneuriales conservent le vieil esprit nobiliaire et monarchique ; toute la génération nouvelle est gagnée aux nouveautés. « Pour nous, dit l’un d’eux, jeune noblesse française[3], sans regret pour le passé, sans inquiétude pour l’avenir, nous marchions gaiement sur un tapis de fleurs qui nous cachait un abîme. Riants frondeurs des modes anciennes, de l’orgueil féodal de nos pères et de leurs graves étiquettes, tout ce qui était antique nous pa-

  1. Souvenirs manuscrits du chancelier Pasquier.
  2. Comte de Vaublanc. Souvenirs, I, 117, 377.
  3. Comte de Ségur, Mémoires, I, 17.