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L’ANCIEN RÉGIME


« être plus mal que nous n’étions d’abord. Monsieur et M. Le comte d’Artois viennent de voyager dans nos provinces, mais comme ces gens-là voyagent, avec une dépense affreuse et la dévastation sur tout leur passage, n’en rapportant d’ailleurs qu’une graisse surprenante : Monsieur est devenu gros comme un tonneau ; pour M. Le comte d’Artois, il y met bon ordre par la vie qu’il mène. » — Un souffle d’humanité en même temps que de liberté a pénétré dans les cœurs féminins. Elles s’intéressent aux pauvres, aux petits, au peuple ; Mme d’Egmont recommande à Gustave III de planter la Dalécarlie en pommes de terre. Lorsque paraît l’estampe publiée au profit des Calas, « toute la France, et même toute l’Europe, s’empresse de souscrire, l’impératrice de Russie pour 5000 livres[1]. » — « L’agriculture, l’économie, les réformes, la philosophie, écrit Walpole, sont de bon ton, même à la cour. » — Le président Dupaty ayant fait un mémoire pour trois innocents condamnés à la « roue, on ne parle plus que de cela dans le monde » ; « ces conversations de société, dit une correspondante de Gustave III[2], ne sont plus oiseuses, puisque c’est par elles que l’opinion publique se forme. Les paroles sont devenues des actions, et tous les cœurs sensibles vantent avec transport un mémoire que l’humanité anime et qui paraît plein de talent, parce qu’il est plein

  1. Bachaumont. III, 14 (28 mars 1766. — Walpole, 6 octobre 1775).
  2. Geffroy ib. Lettre de Mme de Staël (1786).