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L’ANCIEN RÉGIME


« les croisades, il en a fait voir l’absurdité, la cruauté, l’injustice même. Il a heurté de front et sans aucun ménagement la cour de Rome ». D’autres « évitent en chaire le nom de Jésus-Christ et ne parlent plus que du législateur des chrétiens ». Dans le code que l’opinion du monde et la décence sociale imposent au clergé, un observateur délicat[1] précise ainsi les distinctions de rang et les nuances de conduite : « Un simple prêtre, un curé doit croire un peu, sinon on le trouverait hypocrite ; mais il ne doit pas non plus être sûr de son fait, sinon on le trouverait intolérant. Au contraire, le grand vicaire peut sourire à un propos contre la religion, l’évêque en rira tout à fait, le cardinal y joindra son mot. » — « Il y a quelque temps, raconte la chronique, on disait à l’un des plus respectables curés de Paris : Croyez-vous que les évêques, qui mettent toujours la religion en avant, en aient beaucoup ? — Le bon pasteur, après avoir hésité un moment, répondit : Il peut y en avoir quatre ou cinq qui croient encore. » — Pour qui connaît leur naissance, leurs sociétés, leurs habitudes et leurs goûts, cela n’a rien d’invraisemblable. « Dom Collignon, représentant de l’abbaye de Mettlach, seigneur haut-justicier et curé de Valmunster », bel homme, beau diseur, aimable maître de maison, évite le scandale, et ne fait dîner ses deux maîtresses à sa table qu’en petit comité ; du reste aussi peu dévot que possible et bien

  1. Chamfort. 279.