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L’ANCIEN RÉGIME


« seul jeune homme qui ne veuille être athée[1] ». Avec la Régence, « l’incrédulité se produit au grand jour ». « Je ne crois pas, dit encore la Palatine en 1722, qu’il y ait à Paris, tant « parmi les ecclésiastiques que parmi les laïques, cent personnes qui aient la véritable foi ou qui croient même en Notre Seigneur. Cela fait frémir… » Déjà, dans le monde, le rôle d’un ecclésiastique est difficile : il semble qu’il y soit un pantin ou un plastron[2]. « Dès que nous y paraissons, dit l’un d’eux, on nous fait disputer ; on nous fait entreprendre, par exemple, de prouver l’utilité de la prière à un homme qui ne croit pas en Dieu, la nécessité du jeûne à un homme qui a nié toute sa vie l’immortalité de l’âme ; l’entreprise est laborieuse, et les rieurs ne sont pas pour nous » — Bientôt le scandale prolongé des billets de confession et l’obstination des évêques à ne point souffrir qu’on taxe les biens ecclésiastiques soulèvent l’opinion, contre le clergé et, par suite, contre la religion. « Il est à craindre, dit Barbier en 1751, que cela ne finisse sérieusement ; on pourrait voir un jour dans ce pays-ci une révolution pour embrasser la religion protestante[3]. » — « La haine contre les prêtres, écrit d’Argenson en 1753, va au dernier excès. À peine osent-ils se montrer dans les rues sans être hués… Comme notre nation et notre siècle sont bien autrement éclairés » qu’au temps de Luther, « on ira

  1. Aubertin, l’Esprit public au dix-huitième siècle, 7.
  2. Montesquieu. Lettres persanes. (Lettre 61.) — Cf. Voltaire (Dîner du comte de Boulainvilliers).
  3. Aubertin. 281. 282. 285. 289.