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LA PROPAGATION DE LA DOCTRINE


sarcasme déguisé. Ses Persans jugent la France en Persans, et nous sourions de leurs méprises ; par malheur, ce n’est pas d’eux, mais de nous qu’il faut rire ; car il se trouve que leur erreur est une vérité[1]. Telle lettre d’un grand sérieux semble une comédie à leurs dépens, sans aucun rapport à nous, toute pleine des préjugés mahométans et d’infatuation orientales[2] : réfléchissez ; sur le même sujet, notre infatuation n’est pas moindre. Des coups d’une force et d’une portée extraordinaires sont lancés, en passant et comme sans y songer, contre les institutions régnantes, contre le catholicisme altéré qui, « dans l’état présent où est l’Europe, ne peut subsister cinq cents ans », contre la monarchie gâtée qui fait jeûner les citoyens utiles pour engraisser les courtisans parasites[3]. Toute la philosophie nouvelle éclot sous sa main avec un air d’innocence, dans un roman pastoral, dans une prière naïve, dans une lettre ingénue[4]. Aucun des dons par lesquels on peut frapper et retenir l’attention ne manque à ce style, ni l’imagination grandiose, ni le sentiment profond, ni la vivacité du trait, ni la délicatesse des nuances, ni la précision vigoureuse, ni la grâce enjouée, ni le burlesque imprévu, ni la variété de la mise en scène. Mais, parmi

    vage). Défense de l’Esprit des lois. I, Réponse à la 2e objection. II, Réponse à la 4e objection.

  1. Lettre 24 (sur Louis XIV).
  2. Lettre 18 (sur la pureté et l’impureté des choses). Lettre 39 (preuves de la mission de Mahomet).
  3. Lettres 75 et 118.
  4. Lettres 98 (sur les sciences modernes), 46 (sur le véritable culte), 11 à 14 (sur la nature de la justice).