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L’ÉGLISE


vers la fin ; le concile subitement dissous, parce qu’il lui vient des scrupules, parce qu’il ne cède pas tout de suite à toutes les pressions, parce que sa masse fait sa consistance, parce que des hommes serrés les uns contre les autres se tiennent plus longtemps debout. « Notre vin, disait le cardinal Maury, n’a pas été trouvé bon en cercle ; vous verrez qu’il sera meilleur en bouteille » Aussi bien, avant de l’y mettre et au préalable, on l’a filtré, clarifié, débarrassé des éléments mauvais qui le troublaient et le faisaient fermenter ; quelques-uns des opposants sont en prison ; plusieurs se sont retirés dans leurs diocèses ; le demeurant, ramené à Paris, est savamment travaillé, chaque membre à son tour, à part et chambré, en tête-à-tête avec le ministre des cultes, jusqu’à ce que tous aient signé, un à un, la formule d’adhésion ; là-dessus, le concile, épuré et préparé, est réuni de nouveau pour voter, par assis et levé, dans une séance unique ; par un reste de pudeur, il introduit dans le décret une clause suspensive, l’apparence d’une réserve[1], mais il rend le décret commandé. Tel un corps d’armée, un régiment étranger, qui, enrôlé, encadré et poussé l’épée dans les reins, sert malgré lui contre son prince légitime ; il voudrait bien ne pas marcher à l’assaut, au dernier moment il tâche de tirer en l’air, mais, finalement, il marche et il tire.

De l’autre côté, et sur le pape lui-même, Napoléon

  1. Comte d’Haussonville, IV, 366 (dernière phrase du texte) : « Une députation de six évêques ira prier Sa Sainteté de confirmer ce décret. »