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LE RÉGIME MODERNE


vent être assagis, ils seront maniables. D’ailleurs, il a sur chacun d’eux des renseignements précis ; leur conduite passée lui prédit leur conduite future ; quand il en choisit un, ce n’est jamais à l’aveugle. Au contraire, les ordinands sont inconnus ; le gouvernement qui les agrée ne sait rien d’eux, sinon qu’à l’âge où l’esprit a sa fièvre de croissance et où l’imagination contracte sa forme fixe, ils ont été soumis, pendant cinq ans, à l’éducation théologique et à la vie claustrale. Les chances sont pour que chez eux la chaleur de la jeunesse aboutisse à la raideur de la conviction et aux préjugés de l’inexpérience ; en ce cas, le gouvernement qui les exempte de la conscription pour les admettre dans l’Église échange une bonne recrue militaire contre une mauvaise recrue ecclésiastique ; à la place d’un serviteur, il se donne un opposant. C’est pourquoi, pendant ses quinze ans de règne, Napoléon n’autorise que 6 000 ordinations nouvelles[1], en tout 400 par an, 100 par diocèse, 6 ou 7 par diocèse et par an. — Cependant, par ses décrets universitaires, il perce des jours laïques dans la clôture cléricale[2] et ferme aux prêtres suspects

  1. Bercastel et Henrion, Histoire générale de l’Église, XIII, 32 (Discours de M. Roux de Laborie, député en 1816). — Aujourd’hui, les ordinations oscillent entre 1 200 et 1 700 par an.
  2. Décret du 15 novembre 1811. articles 28, 29, 32 : « À dater du 1er juillet 1812, toutes les écoles secondaires ecclésiastiques (petits séminaires) qui ne seraient point placées dans les villes où se trouve un lycée ou un collège seront fermées. Aucune école secondaire ecclésiastique ne pourra être placée dans la campagne. Dans tous les lieux où il y a des écoles ecclésiastiques, les élèves de ces écoles seront conduits au lycée ou au collège pour y suivre les classes. »