Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LE RÉGIME MODERNE


tolère pas de rivales ; elle ne souffre pas que d’autres puissances viennent, sans son consentement, s’établir à côté d’elle, peut-être pour la saper et l’ébranler. « Un État n’a qu’une autorité précaire quand il a dans son territoire des hommes qui exercent une grande influence sur les esprits et les consciences, sans que ces hommes lui appartiennent, au moins sous quelques rapports. » Il commet une imprudence grave, « s’il demeure étranger ou indifférent à la forme et à la constitution du gouvernement qui se propose de régir les âmes », s’il admet que les cadres qui enserrent la croyance et l’obéissance des fidèles « puissent être faits ou changés sans son concours, s’il n’a pas, dans des supérieurs légalement reconnus et avoués, des garants de la fidélité des inférieurs ». Telle était la règle en France pour le culte catholique avant 1789, et telle sera la règle, à partir de 1801, pour tous les cultes autorisés. Si l’État les autorise, c’est pour « diriger des institutions si importantes vers la plus grande utilité publique ». Par cela seul qu’il agrée « leur doctrine et leur discipline », il entend les maintenir intactes et empêcher « que leurs ministres ne puissent corrompre la doctrine confiée à leur enseignement ou secouer arbitrairement le joug de la discipline, au grand préjudice des particuliers et de l’État[1] ». C’est pourquoi, dans le statut légal par

  1. Discours, rapports, etc., par Portalis, 31. — Ib., 143. Résumons-nous : l’Église n’a qu’une autorité purement spirituelle ; les souverains, en leur qualité de magistrats politiques, règlent avec une entière indépendance les questions temporelles