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L’ÉGLISE


Cette route, sur laquelle elles cheminent, passe chez lui et lui appartient : ainsi, la surveillance qu’il exerce sur leurs démarches est et doit être quotidienne, et il l’exerce au mieux de ses intérêts, au mieux de l’intérêt civil et politique, de façon que la préoccupation de l’autre monde soit utile et ne soit pas nuisible aux affaires de celui-ci. Plus brièvement, et en manière de résumé, le Premier Consul a dit dans une conversation privée[1] : « Il faut une religion au peuple, et il faut que cette religion soit dans la main du gouvernement ».

Sur ce thème, ses légistes, anciens parlementaires ou conventionnels, ses ministres et conseillers, gallicans ou jacobins, ses orateurs auprès du Corps législatif et du Tribunat, tous imbus du droit romain ou du Contrat social, sont des porte-voix excellents pour proclamer en phrases arrondies l’omnipotence de l’État. « L’unité de la puissance publique et son universalité[2], dit Portalis, sont une conséquence nécessaire de son indépendance. La puissance publique doit se suffire à elle-même ; elle n’est rien, si elle n’est tout… » Elle ne

  1. Thibaudeau, 152.
  2. Discours, rapports et travaux sur le Concordat de 1801, par Portalis, 87 (sur les Articles organiques), 29 (sur l’organisation des cultes). « Les ministres de la religion ne doivent pas avoir la prétention de partager ni de limiter la puissance publique… Les affaires religieuses ont toujours été rangées, par les différents codes des nations, au nombre des matières qui appartiennent à la haute police de l’État… Le magistrat politique peut et doit intervenir dans tout ce qui concerne l’administration extérieure des choses sacrées… En France, le gouvernement a toujours présidé, d’une manière plus ou moins directe, à la conduite des choses ecclésiastiques. »