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LE RÉGIME MODERNE


qu’il y en ait plusieurs, chacune adaptée au groupe humain qui la professe et nécessaire à ses fidèles pour les aider à vivre, il n’en admet qu’une, la sienne, et se sert du pouvoir pour lui conquérir des adhérents. Lui aussi, il a ses dogmes, son catéchisme, ses formules impératives, et il les impose. — Désormais[1] l’éducation sera non seulement gratuite et obligatoire, mais encore laïque et purement laïque. Jusqu’ici, la très grande majorité des parents, la plupart des pères et toutes les mères avaient souhaité qu’elle fût en même temps religieuse. Sans parler des chrétiens convaincus, beaucoup de chefs de famille, même tièdes, indifférents ou sceptiques, jugeaient que cette mixture valait mieux pour les enfants, surtout pour les filles. Selon eux, la science et la croyance ne doivent point entrer séparées, mais combinées et en un seul aliment, dans les très jeunes esprits ; du moins, dans le cas particulier qui les concernait, cela, selon eux, valait mieux pour leur enfant, pour eux-mêmes, pour la discipline intérieure de leur maison, pour le bon ordre à domicile dont ils étaient responsables, pour le maintien du respect et la préservation des mœurs. C’est pourquoi, avant les lois de 1882 et de 1886, les conseils municipaux, encore libres de choisir à leur gré l’enseignement et les maîtres, confiaient souvent leur école à des Frères ou à des Sœurs, par contrat, pour tant d’années, à tel prix et d’autant plus volontiers que ce prix était très bas[2]. Par suite, en

  1. Loi du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886.
  2. Journal des Débats, 1er septembre 1894. Rapport de la com-