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LE RÉGIME MODERNE


à un âge moins tardif, sans imposer des efforts si grands et si malsains au jeune homme, une si grosse dépense à l’État, une si longue attente et de tels sacrifices aux familles[1].

Or, dans les quatre Facultés, droit, médecine, sciences et lettres, on compte cette année 22 000 étudiants ; ajoutez-y les élèves des écoles spéciales et les aspirants qui étudient pour y entrer, en tout probablement 30 000. Au reste, il n’est pas besoin de les compter : depuis la suppression du volontariat d’un an, c’est toute la jeunesse capable d’études qui, pour ne rester qu’un an à la caserne et ne pas s’y abrutir pendant trois ans, se précipite sur les bancs du lycée et sur les banquettes d’une faculté : il ne s’agit plus pour le jeune homme d’arriver au baccalauréat, comme autrefois ; il faut encore qu’il soit admis, après un concours, dans une école spéciale, ou qu’il obtienne dans une faculté les plus hauts grades et diplômes ; en tous les cas, il est tenu de subir avec succès des examens multipliés et difficiles. Présentement, il n’y a plus de place en France pour l’éducation inverse, ni pour aucune autre d’un type diffé-

  1. Certainement, en Angleterre et aux États-Unis, l’architecte et l’ingénieur, produisent plus que chez nous, avec plus de souplesse, de fertilité, d’originalité et de hardiesse dans l’invention, avec une capacité pratique au moins égale, et sans avoir passé par six, huit ou dix ans d’études purement théoriques. — Cf. Des Rousiers, la Vie américaine, 619 : « Nos polytechniciens sont des érudits scientifiques… L’ingénieur américain n’est pas omniscient comme eux, il est spécial. » — « Mais il a, de sa spécialité, une connaissance profonde, il est toujours en quête de perfectionnements à y apporter, et il fait, beaucoup plus que le polytechnicien, avancer sa science » et son art.