Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE RÉGIME MODERNE


bout de quelque temps, on les oublie ; ce sont de vieilles souches déplantées et dont on a tranché les racines ; ils meurent un à un, à l’étranger, et leur successeur, présent, en fonctions, n’a pas de peine à rallier autour de lui les obéissances. Car, étant catholiques, ses ouailles sont moutonnières, c’est-à-dire dociles, attachées aux dehors sensibles, prêtes à suivre la houlette pastorale, pourvu qu’elle porte l’ancienne marque de fabrique, qu’elle soit du même bois, de la même forme, de même provenance, conférée d’en haut, expédiée de Rome. Une fois les évêques institués par le pape, personne, sauf Grégoire ou quelque canoniste antiquaire, ne leur contestera leur juridiction. Voilà donc, par l’entremise du pape, le terrain ecclésiastique déblayé. Les trois groupes d’autorités qui s’y disputaient les consciences[1], évêques réfugiés en Angleterre, vicaires apostoliques, clergé constitutionnel, disparaissent ; sur cette place vide, on peut bâtir. « On déclare[2] que, la religion catholique étant celle de la majorité des Français, on doit en organiser l’exercice. Le Premier Consul nomme cinquante évêques, le pape les institue. Ils nomment les curés, l’État les salarie. Ils prêtent serment ; on déporte les prêtres qui ne se soumettent pas. On défère aux supérieurs, pour les punir, ceux qui prêchent contre le

  1. Comte Boulay de la Meurthe, Négociations du Concordat. (Extrait du Correspondant, 1882, sur l’état religieux de la France en novembre 1800 et notamment sur l’état de l’église constitutionnelle, celle-ci très misérable, désunie, sans crédit et sans avenir.) L’auteur estime à 8000 le nombre des prêtres en fonctions, dont 2000 constitutionnels et 6000 catholiques orthodoxes (24).
  2. Thibaudeau, 152.