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LE RÉGIME MODERNE


« la terre, ne serait-il pas évident pour nous que c’est à quelque divinité que nous devons(--commentaire de Cunégonde1 à retirer lors de la validation : doute levé sur devons : 22e éd. p. 286, cf : Internet Archives) notre empereur ? » — Puis un autre choriste, reprenant le thème en mineur, chante ainsi la victoire d’Austerlitz : « L’Europe, menacée par une nouvelle inondation de barbares, doit son salut au génie d’un autre Charles Martel ». — Suivent des cantates analogues, entonnées au Sénat et au Corps législatif par Lacépède, Pérignon, Garat, puis, dans chaque diocèse, par les évêques, dont quelques-uns se haussent dans leurs mandements jusqu’aux considérations techniques de l’art militaire, et, pour mieux louer l’empereur, expliquent à leurs ouailles les savantes combinaisons de son génie stratégique.

De fait, partout sa stratégie est admirable, tout à l’heure contre la pensée catholique, maintenant contre la pensée laïque. Au préalable, il a étendu, choisi, délimité son champ d’opérations, et voici son objectif fixé par lui-même : « Sur les affaires publiques, qui sont mes affaires, en matière politique, sociale et morale, sur l’histoire, notamment sur l’histoire actuelle, récente ou moderne, personne, dans la génération présente, ne pensera, excepté moi, et, dans la génération prochaine, tout le monde pensera d’après moi. » Avec cet objectif en vue, il s’est adjugé le monopole de l’éducation ; il a introduit la discipline, l’habit et l’esprit militaires dans toutes les maisons publiques ou privées d’instruction secondaire ; il a réduit au minimum et soumis à la surveillance ecclésiastique l’instruction primaire ; il a effacé les derniers vestiges des uni-