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LE RÉGIME MODERNE


« plira d’anecdotes, de chansons, de récits propres à entretenir le patriotisme et le dévouement à la personne sacrée de Sa Majesté et à la dynastie napoléonienne ». — À cet effet, la police améliore, commande et paye aussi des œuvres dramatiques ou lyriques de toute espèce, cantates, ballets, impromptus, vaudevilles, comédies, grands opéras, opéras-comiques, cent soixante-seize ouvrages en une seule journée, composés pour la naissance du roi de Rome, et récompensés par 88 400 francs de gratifications. Que l’administration s’y prenne d’avance pour susciter les talents et leur faire porter de bons fruits. « On se plaint[1], de ce que nous n’avons pas de littérature, c’est la faute du ministre de l’intérieur. » De sa personne et au plus fort d’une campagne, Napoléon intervient dans les choses de théâtre. Là-bas en Prusse et chez lui en France, il conduit par la main les auteurs tragiques, Raynouard, Legouvé, Luce de Lancival ; il écoute en première lecture la Mort d’Henri IV et les États de Blois ; il donne à Gardel, compositeur de ballets, « un beau sujet, le retour d’Ulysse » ; il explique aux auteurs comment l’effet dramatique doit, sous leurs mains, devenir une leçon politique ; faute de mieux, et en attendant qu’ils le comprennent, il use du théâtre, comme d’une tribune, pour y faire lire devant les spectateurs les bulletins de la Grande Armée.

  1. Correspondance de Napoléon Ier (Lettre de l’empereur à Cambacérès, 21 novembre 1806 ; lettres à Fouché, 25 octobre et 31 décembre 1806). — Welschinger, 236, 244.