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L’ÉGLISE


« d’aussi bonne heure que treize ans[1]. » — Cette double conviction personnelle est sa pensée d’arrière-plan lorsqu’il prépare le Concordat : « On dira que je suis papiste[2] ; je ne suis rien ; j’étais musulman en Égypte, je serai catholique ici pour le bien du peuple. Je ne crois pas aux religions. Mais l’idée d’un Dieu ! (Et levant ses mains vers le ciel :) Qui est-ce qui a fait tout cela ? » Autour de ce grand nom, l’imagination a brodé ses légendes ; tenons-nous-en à celles qui sont déjà faites ; « l’inquiétude de l’homme est telle », qu’il ne peut s’en passer : à défaut de celles qu’il a, il s’en tisserait d’autres, au hasard, et plus étranges ; ce sont les religions positives qui l’empêchent de divaguer ; elles précisent et définissent le surnaturel[3] ; « il vaut mieux qu’il le prenne là que d’aller le chercher chez Mlle Lenormand, chez toutes les diseuses de bonne aventure, chez les fripons ». Une religion établie « est une sorte d’inoculation ou de vaccine qui, en satisfaisant notre amour du merveilleux, nous garantit des charlatans et des sorciers[4] ; les prêtres valent mieux que les Ca-

  1. Mémorial, IV, 259 (7 et 8 juin 1816), V, 323 (17 août 1816).
  2. Thibaudeau, 152 (21 prairial an X).
  3. Mémorial, IV, 259 (7 et 8 juin 1816). — Pelet de la Lozère, Opinions de Napoléon au Conseil d’État, 223 (4 mars 1806).
  4. Discours, rapports et travaux sur le Concordat de 1801, par Portalis (publiés par Frédéric Portalis), 10. — Dans son discours sur l’organisation des cultes (15 germinal an X), Portalis, quoique bon catholique, prend à son compte la même idée ; c’est qu’il est légiste, et légiste de l’ancien régime. « Les religions, même fausses, ont l’avantage de mettre obstacle à l’introduction des doctrines arbitraires : les individus ont un centre de croyance ; les gouvernements sont rassurés sur des dogmes une fois connus, qui ne changent pas. La superstition est, pour ainsi dire,