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LE RÉGIME MODERNE


rien de plus dangereux que l’histoire, car elle se compose, non de propositions générales, inintelligibles sauf pour les méditatifs, mais de faits particuliers, accessibles et intéressants pour le premier venu.

C’est pourquoi, non seulement la science des sensations et des idées, le droit philosophique et le droit comparé, la politique et la morale, la science des richesses et la statistique, mais encore et surtout l’histoire doit être dépendante et gouvernée ; en particulier, l’histoire de France est une chose d’État, un objet de gouvernement ; car aucun objet ne touche le gouvernement de plus près ; aucune étude ne contribue si efficacement à fortifier ou affaiblir les idées et les impressions qui déterminent pour ou contre lui l’opinion publique. Il ne suffit pas de surveiller cette histoire, de la réprimer au besoin, d’empêcher qu’elle ne soit mauvaise, il faut encore la commander, l’inspirer et la faire, pour que sûrement elle soit bonne. « Il n’y a pas de travail plus important[1]… Je suis bien loin de compter la dépense pour quelque chose ; il est même dans mon intention que le ministre fasse comprendre qu’il n’est aucun travail qui puisse mériter davantage ma protection. » Avant tout, on devra s’assurer de l’esprit dans lequel écriront les auteurs. « Il faut que ce travail soit confié non seulement à des auteurs d’un vrai talent, mais encore à des hommes attachés, qui présentent les faits sous leur véritable point de vue et préparent une instruction saine, en conduisant l’histoire jusqu’en

  1. Merlet, ib. (D’après les papiers de M. de Fontanes), II, 258.