Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
LE RÉGIME MODERNE


diplôme, qu’il fasse d’elle une sorte de monnaie de valeur marquée, de frappe authentique et de bon aloi, qu’il la protège contre les contrefaçons, non seulement par ses préférences, mais encore par ses interdictions, par les peines qu’il édicte contre l’exercice illégal de la pharmacie et de la médecine, par l’obligation qu’il impose aux magistrats, avocats, officiers ministériels, de n’exercer qu’après avoir obtenu tel grade, voilà ce que l’intérêt social exige et tout ce qu’il peut exiger. — D’après ce principe, l’État institue ses écoles spéciales, et, par le monopole indirect qu’il leur confère, il les peuple d’auditeurs ; ce sont elles qui désormais donneront l’enseignement supérieur à la jeunesse en France[1].

Dès l’abord, en logicien, avec sa lucidité et sa précision ordinaires, Napoléon pose qu’elles seront strictement professionnelles et pratiques. « Faites-moi des régents », disait-il un jour à propos de l’École Normale, et non pas des littérateurs, des beaux-esprits ou des chercheurs et inventeurs en quelque ordre de connaissance. — Pareillement, dit-il encore, « je n’approuve pas[2] qu’on ne puisse être reçu bachelier dans la Faculté de médecine sans être bachelier dans celle des sciences ; la médecine n’est point une science exacte et positive, mais seulement une science de conjectures et d’observations ; j’aurais plus de confiance dans un médecin qui n’aurait pas étudié les sciences

  1. Louis Liard, Universités et Facultés, 1 à 12.
  2. Pelet de la Lozère, 176 (Séance du Conseil d’État ; 21 mai 1806).