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LE RÉGIME MODERNE


ment supérieur, mais achevé, complet, adapté aux besoins modernes, en pleine sève et en pleine floraison.

Il n’y a pas de place, dans la France ou revient Cuvier, pour des institutions de cette espèce ; elles en sont exclues par le système social qui a prévalu. — Et d’abord, le droit public tel que la Révolution et Napoléon l’ont compris et écrit leur est hostile[1] ; car il pose en principe qu’il ne faut point dans un État de corps spéciaux, permanents et régis par eux-mêmes, défrayés par des biens de mainmorte, entrepreneurs de leur chef et conducteurs à leur compte d’un service public, surtout si ce service est l’enseignement ; car l’État s’en est chargé, il se l’est réservé, il s’en adjuge le monopole ; partant l’université unique et compréhensive qu’il a fondée exclut les universités libres, locales et multiples. Aussi bien, par essence, elle est l’État enseignant, et non pas la science enseignante ; par définition, les deux types sont opposés ; non seulement leurs deux corps sont différents, mais encore leurs deux esprits sont incompatibles : chacun a son but, qui n’est pas le but de l’autre. En particulier, l’emploi que l’empereur assigne à son université répugne à la fin que se proposent les universités allemandes ; il la fonde à son profit, pour avoir un « moyen de diriger les opinions morales et politiques » ; avec cet objet en vue, il aurait tort de mettre à la portée des étudiants plusieurs établissements où ils seraient dirigés par la science seule ; certainement, et sur bien des points, la direction que la

  1. Louis Liard, l’Enseignement supérieur en France, 307 à 309.