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LE RÉGIME MODERNE


veillance ecclésiastique, ce n’est pas seulement pour se concilier le clergé en lui donnant à conduire la majorité des âmes, toutes les âmes incultes, c’est aussi parce que, dans son propre intérêt, il ne veut pas que le peuple en masse pense par lui-même et raisonne trop. « Les inspecteurs d’académie[1], dit le décret de 1811, veilleront à ce que les maîtres des écoles primaires ne portent point leur enseignement au delà de la lecture et de l’arithmétique. » Au delà de cette limite, si l’instituteur enseigne à quelques enfants les premiers éléments du latin ou de la géométrie, de la géographie ou de l’histoire, son école devient secondaire, elle est qualifiée de pension, ses élèves sont soumis à la rétribution universitaire, à la discipline militaire, à l’uniforme, à toutes les exigences qu’on a décrites ; bien mieux, elle est fermée d’office. Lire, écrire et faire les quatre règles, un paysan qui doit rester paysan n’a pas besoin d’en savoir davantage, et il n’a pas besoin d’en savoir tant pour être un bon soldat ; d’ailleurs cela lui suffit, et au delà, pour devenir sous-officier et même officier : témoin ce capitaine Coignet dont nous avons les mémoires, qui, afin d’être nommé sous-lieutenant, dut apprendre à écrire et ne put jamais écrire qu’en grosses lettres, à la

  1. Décret du 15 novembre 1814, article 192. — Cf. le décret du 17 mars 1808, article 6. « Les petites écoles primaires sont celles où l’on apprend à lire, écrire et les premières notions du calcul. » — Ib., § 3, article 5, définition des pensions et des écoles secondaires communales. Cette définition est encore précisée par le décret du 15 novembre 1811, article 16.