Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
L’ÉCOLE


jeu prédéterminé et calculé. En ce genre, les plus beaux engins sont, les ordres religieux, chefs-d’œuvre de l’esprit catholique, romain et gouvernemental, tous manœuvrés d’en haut, d’après une règle fixe, en vue d’un but défini, sortes d’automates intelligents, seuls capables d’opérer indéfiniment, sans déperdition de force, avec suite, uniformité et précision, avec un minimum de frais et un maximum d’effet, et cela par le seul jeu de leur mécanisme interne, qui, coordonné d’avance et tout entier, les adapte tout entiers et d’avance au service spécial, à l’œuvre sociale qu’une autorité reconnue et une pensée supérieure leur ont assignés comme emploi. — Rien de mieux approprié à l’instinct social de Napoléon, à son imagination, à son goût, à son parti pris politique, et là-dessus il déclare hautement ses préférences. « Je sais, dit-il au Conseil d’État[1], que les jésuites ont laissé, sous le rapport de l’enseignement, un très grand vide ; je ne veux pas les rétablir, ni aucune corporation qui ait son souverain à Rome. » Pourtant il en faut une : « Quant à moi, j’aimerais mieux confier l’éducation publique à un ordre religieux que de la laisser telle qu’elle est aujourd’hui », c’est-à-dire libre, abandonnée aux particuliers. « Mais je ne veux ni l’une ni l’autre. » Pour le nouvel établissement, deux conditions sont requises. Avant tout, « je veux une corporation, parce qu’une corporation ne meurt pas » ;

  1. Pelet de la Lozère, 162, 163, 167 (Paroles de Napoléon au Conseil d’État, séances des 10 février, 1er, 11 et 20 mars, 7 avril 21 et 29 mai 1806).