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L’ÉCOLE


Napoléon en désigne dix par département et cinquante à Paris, dont les fils, de seize à dix-huit ans, seront expédiés de force à Saint-Cyr, pour devenir à leur sortie, sous-lieutenants dans l’armée[1]. En 1813, il en lève 10 000 autres, plusieurs fils de conventionnels ou de Vendéens, qui, sous le nom de gardes d’honneur, formeront un corps à part et tout de suite sont dressés dans une caserne. À plus forte raison, il importe de soumettre à l’éducation napoléonienne les fils des familles considérables et récalcitrantes, qui sont nombreuses dans les pays annexés. Déjà en 1802, le rapporteur Fourcroy[2] expliquait au Corps législatif cet emploi politique et social de l’Université future. Muni du pouvoir discrétionnaire, Napoléon recrute à son choix des écoliers parmi ses sujets récents ; seulement, ce n’est pas dans un lycée qu’il les met, mais dans une école encore plus militaire, à la Flèche, dont tous les élèves sont des fils d’officiers et, pour ainsi dire, des enfants de troupe. Vers la fin de 1812, il commande au prince romain Pa-

  1. Pour comprendre tout l’effet de cette éducation forcée, voir, dans les Mécontents de Mérimée, le rôle du lieutenant marquis Édouard de Nangis.
  2. A. de Beauchamp, Recueil, etc. (Rapport de Fourcroy, 20 avril 1802) : « Les peuples réunis à la France, qui, parlant un langage différent et accoutumés à des institutions étrangères, ont besoin de renoncer à d’anciennes habitudes et de se former sur celles de leur nouvelle patrie, ne peuvent trouver chez eux les moyens nécessaires pour donner à leurs fils l’instruction, les mœurs, le caractère qui doivent les confondre avec les Français. Quelle destinée plus avantageuse pour eux, et, en même temps, quelle ressource pour le gouvernement, qui ne désire rien tant que d’attacher ces nouveaux citoyens à la France ! »


  le régime moderne, III.
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