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LE RÉGIME MODERNE


ces établissements qu’on appelle libres ; quels qu’ils soient, ecclésiastiques ou laïques, non seulement l’Université les enveloppe et les englobe, mais encore elle les absorbe et se les assimile ; elle ne leur laisse pas même de dehors distincts. À la vérité, dans les petits séminaires, les exercices se font au son de la cloche, et les élèves portent le costume ecclésiastique ; mais la soutane, adoptée par l’État qui adopte l’Église, est encore un costume d’État. Dans les autres établissements privés, c’est son propre uniforme qu’il impose, l’uniforme laïque, celui de ses collèges et lycées, « à peine de clôture » ; et, de plus, le tambour, la tenue, les mœurs, les manières, la régularité d’une caserne. Toute initiative, invention, diversité, adaptation professionnelle ou locale est abolie[1]. « Je ne suis[2] ; écrivait M. de Lanneau, qu’un sergent-major d’études languissantes et morcelées,… sous le tapage d’un tambour et sous les couleurs militaires. »

Contre ces envahissements de l’institution universitaire, il n’y a plus d’asile public, ni même privé ; car le dernier refuge, l’éducation domestique à domicile, n’est pas respecté. En 1808[3], « parmi les familles anciennes et riches qui ne sont pas dans le système »,

    jeux d’agilité et de souplesse, les élèves s’exerçaient à la course, etc. Tout cela est supprimé par l’Université impériale ; elle n’admet pas qu’on fasse mieux ni autrement qu’elle.

  1. Décret du 17 mars 1808, article 38. Parmi les « bases de l’enseignement », le législateur pose « l’obéissance aux statuts qui ont pour objet l’uniformité de l’instruction ».
  2. Quicherat, III, 128.
  3. Le Régime moderne, tome X, 23, 24.