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L’ÉGLISE


dépouillée, qui a vécu, souffert, aimé, qui aime encore, qui, glorifiée là-haut, accueille là-haut les effusions de ses fidèles, et répond à l’amour par l’amour.

Tout cela est inintelligible, bizarre ou même choquant pour le grand public, et plus encore pour le gros public. Dans la religion, il ne voit que ce qui est très visible, un gouvernement ; et, du gouvernement, il en a déjà plus qu’assez, au temporel, en France ; ajoutez-en un complémentaire pour le spirituel, et ce sera plus que trop. À côté du percepteur en redingote et du gendarme en uniforme, le paysan, l’ouvrier, le petit bourgeois rencontre le curé en soutane, qui, au nom de l’Église, comme les deux autres au nom de l’État, lui donne des commandements et l’assujettit à une règle. Or toute règle est gênante, et celle-ci plus que les autres ; on est quitte avec le percepteur quand on l’a payé, avec le gendarme quand on n’a pas commis d’action violente ; le curé est bien plus exigeant : il intervient dans la vie domestique et privée et prétend gouverner tout l’homme. Au confessionnal et du haut de la chaire, il admoneste ses paroissiens, il les régente jusque dans leur for intime, et ses injonctions enserrent toutes les portions de leur conduite, même secrète, au foyer, à table et au lit, y compris les moments de relâche et de détente, les heures de loisir et la station au cabaret. Au sortir d’un sermon contre de cabaret et l’ivrognerie, on entend des villageois murmurer et dire : « Pourquoi se mêle-t-il de nos affaires ? Qu’il dise sa messe et nous laisse tranquilles. » Ils ont besoin de lui pour être baptisés,