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LE RÉGIME MODERNE


mieux faits pour empêcher à jamais toute réconciliation de la science et de la foi.

Ainsi, pour les nations catholiques, le désaccord, au lieu de s’atténuer, s’aggrave ; les deux tableaux peints, l’un par la foi et l’autre par la science, deviennent de plus en plus dissemblables, et la contradiction intime des deux conceptions devient flagrante par leur développement même ; chacune d’elles se développant à part, et toutes les deux en des sens opposés, l’une par ses décisions dogmatiques et par le resserrement de sa discipline, l’autre par ses découvertes croissantes et par ses applications utiles, chacune d’elles ajoutant tous les jours à son autorité, l’une par ses inventions précieuses, l’autre par ses bonnes œuvres, chacune d’elles étant reconnue pour ce qu’elle est, l’une comme la maîtresse enseignante des vérités positives, l’autre comme la maîtresse dirigeante de la morale efficace. De là, dans l’âme de chaque catholique, un combat et des anxiétés douloureuses : laquelle des deux conceptions faut-il prendre pour guide ? Pour tout esprit sincère et capable de les embrasser à la fois, chacune d’elle est irréductible à l’autre. Chez le vulgaire, incapable de les penser ensemble, elles vivent côte à côte et ne s’entre-choquent pas, sauf par intervalles et quand, pour agir, il faut opter. Plusieurs, intelligents, instruits et même savants, notamment des spécialistes, évitent de les confronter, l’une étant le soutien de leur raison, et l’autre la gardienne de leur conscience ; entre elles, et pour prévenir les conflits possibles, ils