Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
L’ÉGLISE


des communications, à l’abondance des informations, à la multitude et au bon marché des journaux et des livres, à la diffusion de l’instruction primaire, le nombre[1] des visiteurs s’est décuplé, puis centuplé. Non seulement chez les ouvriers de la ville, mais chez les paysans jadis enfermés dans leur routine manuelle et dans leur cercle de six lieues, la curiosité s’est éveillée ; tel petit journal quotidien traite des choses divines et humaines pour un million d’abonnés et probablement pour trois millions de lecteurs. — Bien entendu, sur cent visiteurs il y en a quatre-vingt-dix qui n’ont pas compris le sens du tableau ; ils n’y ont jeté qu’un coup d’œil distrait : d’ailleurs l’éducation de leurs yeux n’est pas faite ; ils ne sont pas capables d’embrasser les masses et de saisir les proportions. Le plus souvent leur attention s’est arrêtée sur un détail qu’ils interprètent à rebours, et l’image mentale qu’ils rapportent n’est qu’un fragment ou une caricature ; au fond, s’ils sont venus voir l’œuvre magistrale, c’est surtout par amour-propre, et pour que ce spectacle, dont quelques-uns jouissent, ne reste pas le privilège de quelques-uns. Néanmoins, si confuses et tronquées

  1. M. de Vitrolles, Mémoires, I, 15. (Ce passage fut écrit en 1847) : « Sous l’Empire, les lecteurs étaient à ceux d’aujourd’hui tout au plus comme 1 est à 1000 ; les journaux, en très petit nombre, se répandaient à peine ; le public apprenait les victoires, comme la conscription, par les articles du Moniteur, que les préfets faisaient afficher. » — De 1847 à 1891, chacun de nous sait, par sa propre expérience, que le nombre des lecteurs s’est prodigieusement accru.