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L’ÉGLISE


siastique, par la réduction de tout ecclésiastique, même dignitaire, à la condition humble et précaire de salarié[1].

Un tel régime institue, dans le corps qui le subit, la dépendance presque universelle, par suite la soumission parfaite, la docilité empressée, l’obéissance passive, l’attitude courbée et fléchissante de l’individu qui ne peut plus se tenir debout sur ses propres pieds[2] : le clergé auquel on l’applique ne peut manquer d’être manœuvré d’en haut, et celui-ci l’est par ses évêques, lieutenants généraux du pape, qui leur donne à tous le mot d’ordre. Une fois institué par le pape, chacun d’eux est le gouverneur à vie d’une province française et tout-puissant dans sa circonscription : on a vu à quelle hauteur y est montée son autorité morale et sociale, com-

  1. Cours alphabétique et méthodique du droit canon, par l’abbé André, et Histoire générale de l’Église, t. XIII, par Bercastel et Henrion. On trouvera dans ces deux ouvrages l’exposé des divers statuts de l’Église catholique dans les autres pays. Chacun de ces statuts diffère du nôtre par un ou plusieurs articles essentiels, dotation fixe ou même territoriale du clergé, présentation à l’épiscopat par le chapitre, ou par le clergé du diocèse, ou par les évêques de la province, concours public pour les cures, inamovibilité, participation du chapitre à l’administration du diocèse, restauration de l’officialité, retour aux prescriptions du concile de Trente. (Cf. notamment les Concordats conclus avec le Saint-Siège par la Prusse, la Bavière, le Wurtemberg, Bade, les deux Hesses, la Belgique, l’Autriche, l’Espagne, et les statuts agréés ou établis par le Saint-Siège en Irlande et aux États-Unis).
  2. Les frères Allignol, De l’état actuel du clergé en France, 248 : « L’esprit même du desservant ne lui appartient plus. Qu’il se garde bien d’avoir un sentiment, une opinion à lui !… Il faut qu’il cesse d’être lui et qu’il perde, pour ainsi dire, sa personnalité. » — Ib., préface, XIX : « Placés l’un et l’autre dans des campagnes reculées,… nous sommes en position de bien connaître le clergé du second ordre, dont depuis vingt-cinq ans nous faisons partie. »