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LE RÉGIME MODERNE


composent, tous les trois contemporains, de la même provenance et de la même épaisseur, une langue romane, le droit civil de Rome et le christianisme romain : chacun de ces éléments, par sa consistance, indique la consistance des autres.

De là les caractères profonds et fixes par lesquels aujourd’hui la branche catholique se distingue des deux autres, issues du même tronc chrétien. — Pour les protestants, l’Écriture, qui est la parole de Dieu, est la seule autorité spirituelle ; toutes les autres, docteurs, Pères, tradition, papes et conciles, sont humaines, et partant faillibles ; de fait, à plusieurs reprises, elles ont gravement erré[1]. Mais l’Écriture est un texte que chaque lecteur lit avec ses propres yeux, plus ou moins éclairés et sensibles, avec des yeux qui, au temps de Luther, avaient la sensibilité et les lumières du XVIe siècle, avec des yeux qui ont aujourd’hui la sensibilité et les lumières du XIXe siècle ; en sorte que, selon les époques et les groupes, l’interprétation peut être différente, et que, sinon sur le texte, du moins sur le sens du texte, l’autorité appartient tout entière à l’individu. — Chez les Grecs et les Slaves, comme chez les catholiques, elle n’appartient qu’à l’Église, c’est-à-dire aux chefs de l’Église, successeurs des apôtres. Mais chez les Grecs et les Slaves, depuis le IXe siècle, l’Église n’a plus décrété de dogmes : selon elle, les sept premiers conciles avaient formulé toute la foi ; après eux, la révéla-

  1. L’église anglicane, dans sa profession de foi a inséré cette déclaration expresse.