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LE RÉGIME MODERNE


Étienne, supérieur des lazaristes et des filles de Saint-Vincent-de-Paul, disait à des visiteurs étrangers[1] : « Je vous ai fait connaître le détail de notre vie, mais je ne vous en ai pas donné le secret. Ce secret le voici : c’est Jésus-Christ connu, aimé servi dans l’Eucharistie. »

II

Au XIIIe siècle, quand le communiant à genoux allait recevoir le sacrement, quelquefois il cessait de voir l’hostie ; elle disparaissait ; à la place, il apercevait un petit enfant ou le visage rayonnant du Sauveur, et, selon les docteurs, ce n’était pas là une illusion, mais une illumination[2] ; le voile s’était levé ; l’âme se trouvait face à face avec son objet, avec Jésus-Christ présent dans l’Eucharistie ; elle avait la seconde vue, infiniment supérieure en certitude et en portée à la première, une vue directe et pleine, accordée par une grâce d’en haut, une vue surnaturelle. — Par cet exemple qui est un cas extrême, on peut comprendre en quoi consiste la foi : c’est une faculté extraordinaire, qui opère à côté et parfois à l’encontre de nos facultés naturelles ; à tra-

  1. La Charité à Nancy, par l’abbé Girard, 245. — Le même jugement est porté par le révérend Th.-W. Allies, Journal d’un voyage en France, 1848, 291. « Le dogme de la présence réelle est le centre de toute la vie de l’Église (catholique) : c’est le secret appui du prêtre dans sa mission si pénible et si remplie d’abnégation ; c’est par là que les ordres religieux se maintiennent. »
  2. Cette question est examinée par saint Thomas dans sa Summa theologica.