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L’ÉGLISE


dans leurs 158 maisons, 20 000 vieillards, dont 13 000 dans leurs 93 maisons de France ; elles ne mangent qu’après leurs hôtes, et leurs restes ; il leur est interdit d’accepter aucune dotation ou fondation ; en vertu de leur règle, elles sont et restent mendiantes, d’abord et surtout pour leurs vieillards, ensuite et par accessoire pour elles-mêmes. Notez les circonstances de l’entreprise et la condition des fondatrices : c’étaient deux ouvrières de village, jeunes filles de seize et dix-huit ans, pour lesquelles le vicaire de la paroisse avait écrit « une petite règle » ; le dimanche, ensemble dans un creux de rocher ; au bord de la mer, elles apprenaient et méditaient ce manuel sommaire, puis accomplissaient les dévotions prescrites, telle dévotion à telle heure, chapelet, oraison, station à l’église, examen de conscience et autres pratiques dont la répétition quotidienne dépose et appesantit dans l’esprit l’idée du surnaturel : voilà, par-dessus la pitié naturelle, le poids surajouté qui fixe la volonté instable et maintient à demeure l’âme dan l’abnégation. — À Paris, dans les deux salles de la préfecture de police où les filles et les voleuses arrêtées restent un ou deux jours en dépôt provisoire, les religieuses de Marie-Joseph, condamnées par leurs vœux à vivre dans cet égout toujours coulant de boue humaine, sentent parfois leur cœur défaillir ; par bonheur, on leur a ménagé dans un coin une petite chapelle ; elles y vont prier, et, au bout d’un quart d’heure, elles ont refait leur provision de courage et de douceur. — Très justement, et avec l’autorité d’une longue expérience, le père