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LE RÉGIME MODERNE


grave. — Reste le recours à Rome ; mais Rome est bien loin[1], et, tout en maintenant sa juridiction supérieure, elle ne casse pas volontiers une sentence épiscopale, elle a des égards pour les prélats, elle ménage en eux ses lieutenants généraux, ses collecteurs du denier de Saint-Pierre. — Quant aux tribunaux laïques, ils se sont déclarés incompétents[2], et le nouveau droit canon enseigne que jamais, « sous prétexte d’abus, un clerc ne doit, faire appel au magistrat séculier[3] » ; par cet appel, « il déroge à l’autorité et à la liberté de l’Église, il encourt les plus graves censures », il trahit son ordre.

Tel est maintenant, pour le bas clergé, le droit ecclésiastique, et aussi le droit laïque, l’un et l’autre d’accord pour ne plus le protéger ; à ce changement dans la jurisprudence qui le concerne, joignez un changement non moins décisif dans les titres qui le situent et le qualifient. Avant 1789, il y avait en France 36 000 curés à titre inamovible ; aujourd’hui, il n’y en a plus que 3425 ; avant 1789, il n’y avait en France que 2500 curés à titre révocable ; aujourd’hui, il y en a 34 042[4] ; tous ceux-ci, nommés par l’évêque sans l’agrément des

  1. Émile Ollivier, l’Église, etc., II, 516, 517. — L’abbé André, Exposition, etc., 241 : « Pendant la première moitié du XIXe siècle, aucun appel n’a pu aller de l’Église de France à Rome. »
  2. Émile Ollivier, ib., I, 286. — L’abbé André, ib., 242 : « De 1803 à 1854, trente-huit appels comme d’abus (ont été présentés) au Conseil d’État par des prêtres frappés… Pas un de ces trente-huit appels n’a été accueilli. »
  3. Prælectiones juris canonici habitæ in seminario Sancti Sulpitii, III, 146.
  4. Émile Ollivier, ib., I, 136.