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LE RÉGIME MODERNE


ses conseillers où il lui plaît, hors du chapitre, si cela lui convient, et il est libre de n’en pas prendre, « de gouverner seul, de tout faire par lui-même ». C’est lui qui nomme à tous les emplois, aux cinq ou six cents emplois de son diocèse ; il en est le collateur universel, et, neuf fois sur dix, le collateur unique ; sauf aux huit ou neuf places de chanoines et aux trente ou quarante cures de canton, pour lesquelles il doit faire approuver ses choix par le gouvernement, il nomme seul et sans le concours de personne. Ainsi, en fait de grâces, ses clercs ne peuvent rien attendre que de lui. — Et, d’autre part, contre ses sévérités, ils n’ont plus de sauvegarde ; de ses deux mains, celle qui châtie est encore moins liée que celle qui récompense ; ainsi que le chapitre cathédral, le tribunal ecclésiastique a perdu sa consistance, son indépendance, son efficacité ; de l’ancien official, il ne reste qu’une apparence et un nom[1]. Tantôt l’évêque, de sa personne, est à lui seul tout le tribunal ; il ne délibère qu’avec lui-même et prononce ex informata conscientia, sans procès, sans conseils, et, si bon

    gouvernement, qui leur fait un traitement : ce n’est plus que l’ombre de l’organisation canonicale, dont ils ont cependant tous les droits canoniques ».

  1. L’abbé André, Exposition de quelques principes fondamentaux de droit canonique, 187 (Il cite à ce sujet un écrit de Mgr Sibour, alors évêque de Digne). — « Depuis le Concordat de 1801, l’absence de toute procédure déterminée pour le jugement des clercs n’a plus fait dépendre ces accusés que de la conscience de l’évêque comme, juge et de ses lumières. L’évêque a donc été non seulement de droit, mais de fait, pasteur et juge unique de son clergé, et, sauf des cas très rares, nulle limite extérieure n’a été posée à l’exercice de son autorité spirituelle. »