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LE RÉGIME MODERNE


« sur son trône », c’est un prince qui prend possession de ses États, et cette possession n’est point nominale ou partielle, mais réelle et totale. Il tient en main « la superbe crosse que les prêtres de son diocèse lui ont offerte », en témoignage et symbole de leur obéissance volontaire, empressée, plénière ; et ce bâton pastoral est bien plus long que l’ancien. Dans le troupeau ecclésiastique, il n’y a plus de tête qui paisse à distance ou à couvert ; hautes ou basses, toutes sont à portée, toutes regardent du côté de la houlette épiscopale ; la houlette fait un signe, et, selon le signe, chaque tête incontinent s’arrête, avance ou recule : elle sait trop bien que le berger a les mains libres et qu’elle est à sa discrétion. Dans sa reconstruction du diocèse, Napoléon n’a relevé qu’un des pouvoirs diocésains, celui de l’évêque ; il a laissé les autres à bas, par terre. Il répugnait aux lenteurs, aux complications, aux frottements du gouvernement divisé ; il ne goûtait et ne comprenait que le gouvernement concentré ; il trouvait commode de n’avoir affaire qu’à un seul homme, à un préfet de l’ordre spirituel, aussi maniable que son collègue de l’ordre temporel, à un grand fonctionnaire mitré ; à ses yeux, tel était l’évêque. C’est pourquoi il ne l’obligeait pas à s’entourer d’autorités constitutionnelles et modératrices ; il ne restaurait pas l’ancienne officialité et l’ancien chapitre ; il permettait à ses prélats d’écrire eux-mêmes le nouveau statut diocésain. — Naturellement, dans le partage des pouvoirs, l’évêque s’est réservé la meilleure part, toute la substance, et, pour borner son omnipo-