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L’ÉGLISE


sonnaient : les députations de tous les corps se pressaient dans ses antichambres : tour à tour, et selon l’ordre des préséances, chaque autorité lui faisait son petit compliment ; ce compliment, il le rendait avec une dignité gracieuse : ayant reçu des hommages, il distribuait les bénédictions et les sourires. Ensuite, avec autant de dignité et encore plus de grâce, pendant tout son séjour, il invitait à sa table les plus qualifiés, et, dans son palais épiscopal ou dans sa maison de campagne, il les traitait en hôtes. Cela fait, son office était rempli ; le reste regardait ses secrétaires, officiers et commis ecclésiastiques, hommes de bureau, spécialistes et travailleurs qu’on appelait des « bouleux ». « Avez-vous lu mon mandement ? » disait un évêque à Piron. Et Piron, qui avait son franc parler, osait bien répondre : « Oui, monseigneur. Et vous ? »

Sous le régime moderne, ce suzerain d’apparat, négligent, intermittent, a pour successeur un souverain actif dont le règne est personnel et continu : dans le diocèse, la monarchie limitée et tempérée s’est convertie en monarchie universelle et absolue. Une fois institué et sacré, quand l’évêque, dans le chœur de sa cathédrale, au chant des orgues, sous l’illumination des cierges, à travers les fumées de l’encens, vient, en pompe solennelle[1], s’asseoir

    connaissent plus le front de leur pasteur et ne l’envisagent plus que sous le rapport d’un homme opulent qui se divertit dans la capitale et s’embarrasse fort peu de son troupeau. »

  1. Le Monde, numéro du 9 novembre 1890 (Détails, d’après les journaux de Montpellier, sur la cérémonie qui vient d’avoir lieu dans la cathédrale de la ville pour la remise du pallium à Mgr Roverié de Cabrières.